Un jour, vers la fin de ma vie maçonnique, lorsque ma raison commençant à se réveiller faisait entendre au fond de ma conscience ses protestations contre le fanatisme maçonnique par lequel je m’étais laissé dominer, un profane qui était de mes amis vint me voir pour me demander ce que c’était que la Franc-Maçonnerie, vers laquelle il était attiré par un recruteur.

A peine était-il entré chez moi, qu’arriva un autre de mes amis qui était franc-maçon. La conversation s’engagea entre nous trois, et dans des conditions telles que je me contentai bientôt d’écouter.

Le franc-maçon disait à celui qui ne l’était pas :

— La Franc-Maçonnerie est une association sublime. On y pratique toutes les vertus.
— Alors, c’est parfait. Pourtant on m’avait dit qu’elle était une association politique ?
— Nullement. Nous ne nous occupons pas de politique.
— Et de religion ?
— Non plus. D’ailleurs, si vous voulez avoir la conscience en repos à cet égard, voici quel est le premier article de nos statuts :

« La Franc-Maçonnerie, association essentiellement philosophique, philanthropique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale universelle, des sciences et des arts, etc. »

A mesure que mon ami parlait et que j’entendais tomber de sa bouche les belles déclarations inscrites dans la constitution maçonnique, une sorte de voile se déchirait en moi, grâce à ce que je me trouvais en face de cette réalité, insupportable pour ma conscience : un ami qui s’en remettait à moi avec confiance et que je voyais trompé, victime du mensonge des statuts maçonniques. Le fait concret s’imposait à moi dans toute sa netteté.

Ne faisons-nous pas, tous les jours, me disais-je, à toutes les heures, exactement le contraire de ce qui est écrit là-dedans ? Qu’est-ce qui est vrai ? Nos actes, ou ces déclarations par lesquelles nous attirons les profanes de bonne foi ?…

Je me sentis pour la première fois vraiment dégoûté de la besogne à laquelle j’avais collaboré sans en apercevoir l’odieuse et méprisable hypocrisie.

Lorsque le postulant fut parti, je dis à mon ami franc-maçon :

— Il me semble, mon cher, que nous venons de faire un singulier métier.
— Que voulez-vous dire ? fit-il étonné.
Nous avons affirmé à l’innocent profane qui sort d’ici qu’on ne s’occupait pas de politique dans la Franc-Maçonnerie. Or, nous n’y faisons que de la politique. Avouez que nous en avons pris à notre aise avec la vérité…
— Est-ce que nous devons dire aux profanes ce qu’on fait en Franc-Maçonnerie ? Nous n’en avons pas le droit.
— Nous n’en avons pas moins dit le contraire de la vérité. Nous avons aussi affirmé que nous étions une association de tolérance.
— Eh bien ?
— Eh bien ! Nous sommes juste le contraire. Vous n’êtes pas tolérant et je ne le suis pas plus que vous, puisque tous deux nous voulons la destruction du catholicisme.
— Est-ce que nous n’avons pas raison de vouloir la destruction du catholicisme ?
— C’est une autre question. Admettons, si vous voulez, que nous ayons raison, il n’en est pas moins déloyal de tromper un profane comme nous venons de le faire. Si nous considérons comme un devoir de détruire le catholicisme, pourquoi ne le proclamons-nous pas hautement ?
— Parce que nos règlements nous obligent au secret. Il n’y a pas à discuter là-dessus.
— Il en résulte que nous venons, vous et moi, de dire exactement le contraire de la vérité. Cela s’appelle mentir. De plus, nous nous sommes parés de la vertu de tolérance alors que nous nous sommes intolérants. Cela s’appelle être hypocrite. Il n’y a pas à sortir de là !
— Ah ça ! mon cher, qu’est-ce qui vous prend  ?
— Rien. Je regarde seulement nos actes avec les yeux de la raison et je leur donne leur vrai nom.

Celui auquel je tenais ce langage si simple en fut littéralement suffoqué. C’est d’un air effaré qu’il me dit :

— Mais, frère Copin, est-ce que vous devenez fou ?

Et pour me remettre dans le droit chemin maçonnique, il s’engagea dans toute une série de divagations tortueuses tendant à me persuader que la Maçonnerie n’était pas hypocrite, par la raison qu’elle avait un but sublime, et que les francs-maçons, pris isolément, ne l’étaient pas plus qu’elle, par la raison qu’ils avaient le devoir de se cacher. Et non seulement il était sincère en parlant ainsi, mais cette manière de voir résultait d’une sorte de cristallisation quasi indestructible de sa pensée. Un franc-maçon capable d’envisager les choses autrement ne pouvait être pour lui qu’un dément, qu’un fou, comme il me l’avait dit.

C’est ainsi que pour un franc-maçon sur lequel agit pleinement la suggestion, la franchise est une faute, le mensonge une obligation, l’hypocrisie une vertu, la fourberie un devoir.

Paul Copin-Albancelli (1851-1939),
Le drame maçonnique
, 1909, p. 183-187

L’Islam pratique la Taqîya. La religion laïque (maçonnique) est un mensonge permanent. Seul l’Église du Christ prône la vérité, parce que seul Jésus-Christ est la Vérité.