Vierge de l’Ordre dominicain
MESSE
Introït : « Réjouissons-nous dans le Seigneur, en célébrant ce jour de fête en l’honneur de la bienheureuse vierge Agnès, dont la solennité réjouit les anges et les fait louer ensemble le Fils de Dieu, alléluia, alléluia. — Mon cœur dit une parole aimable : au Roi je consacre toutes mes œuvres. »
Oraison : « Dieu, qui avez souvent baigné d’une céleste rosée la bienheureuse Agnès, votre vierge, et qui avez orné de fleurs subitement épanouies les lieux où elle priait, accordez-nous avec bonté, par son intercession, de recevoir toujours la rosée de votre bénédiction, afin de mériter de recueillir les fruits de l’éternité. »
Agnès se réjouit en Dieu, et nous, avec les anges, nous nous réjouissons de célébrer sa mémoire. Mémoire pleine de fraîcheur, mémoire fleurie, car Agnès est une de ces âmes privilégiées que Dieu garde pour lui seul. Il ne permet pas au mal de les effleurer. Ames pures, âmes vierges, elles demeurent les lis parfumés du jardin du Maître très aimant.
Telle fut Agnès, toute sa vie, sur cette colline de Montepulciano, où elle fonda son monastère de Tertiaires régulières. Il est placé comme le Couvent de Flavigny, sur un promontoire qui donne à pic au-dessus de la plaine. La ressemblance est frappante.
Des flambeaux allumés miraculeusement dans la chambre de sa mère signalèrent la naissance de la vierge très pure que fut Agnès de Montepulciano, de l’Ordre de Saint-Dominique. Elle entra au cloître à l’âge de neuf ans. Elle n’avait pas encore achevé sa quinzième année quand, sur l’ordre du Souverain Pontife, elle fut placée contre son gré à la tête des moniales.
La terre nue fut son lit ; une pierre, son oreiller ; et pendant quinze ans elle jeûna au pain et à l’eau. Souvent, durant sa prière, alors qu’elle n’avait pas encore dépassé
quatorze ans, elle était soulevée de terre de la hauteur d’une coudée ; sa chape se couvrait d’une blanche rosée dont les gouttes avaient la forme d’une croix ; et le lieu où elle avait posé ses genoux était soudain orné de fleurs splendides. Tandis qu’elle était en oraison, elle reçut dans ses bras, de l’auguste Mère de Dieu, Jésus sous l’apparence d’un petit enfant ; l’ayant pressé quelque temps sur son cœur, elle détacha une petite croix qu’un fil léger retenait au cou de l’enfant.
Par miracle également, elle reçut de la terre que le Christ avait baignée de son sang pendant sa Passion, et un morceau du bassin où Jésus tout petit avait été lavé par la Vierge Mère. De plus, les saints Apôtres Pierre et Paul lui offrirent aussi, comme présents magnifiques, des parcelles de leurs vêtements. Très souvent elle reçut l’Eucharistie de la main d’un Ange.
Aux yeux du monde que fit-elle ? Rien. Mais aux yeux de Dieu, son œuvre de rédemption fut immense. Et c’est Dieu l’unique Juge du bon travail de ses serviteurs. Nous admirons, et justement, l’activité merveilleuse de sainte Catherine de Sienne, son dévouement inlassable au service de l’Église, et nous serions tentés de penser et de dire que la vie la plus féconde pour l’Église et la plus glorieuse pour Dieu fut, non pas celle d’Agnès, mais bien celle de Catherine. Devant Dieu, le Juge suprême de l’amour, ces deux vies sont égales en amour, et la preuve, c’est qu’un jour, devant le tombeau d’Agnès, Catherine apprit par la révélation du Saint-Esprit, qu’elle aurait dans le ciel une gloire pareille à celle d’Agnès. Aurions-nous jugé ainsi ? Lorsque sainte Catherine de Sienne vint visiter son corps conservé intact et sans corruption dans le tombeau, elle voulut lui baiser les pieds. Agnès, alors, souleva son pied jusqu’aux lèvres de Catherine. Comme celle-ci revenue une autre fois s’inclinait vers la tête d’Agnès, une manne qui ressemblait à de la neige commença à pleuvoir en ce lieu.
Agnès mourut en 1317. Son corps est demeuré dans le monastère où elle se sanctifia. Mais ses filles, depuis longtemps, n’y sont plus. Et quand on veut vénérer ses restes précieux, on se trouve au milieu d’étrangers. Cependant, pour le peuple de Montepulciano, Agnès est toujours la Santa, la Sainte.
Enfin, Benoît XIII, de l’Ordre des Frères Prêcheurs, inscrivit au nombre des saintes vierges la bienheureuse Agnès, rendue illustre par ses miracles.
Épître de saint Paul aux Corinthiens, II, c. 10 et 11 : « Frères, que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. Ce n’est pas, en effet, celui qui se loue soi-même qui est estimé, mais celui que le Seigneur loue. Ah ! si vous consentiez à me laisser déraisonner un peu ! Mais de fait vous me supportez. J’éprouve à votre égard la jalousie de Dieu. Car je vous ai fiancés à un seul homme comme une vierge pure au Christ. »
Ce texte se rapporte à tout ce que saint Paul raconte de lui-même aux Corinthiens. Ne pensez pas, leur dit-il, que je me loue pour le plaisir de me louer. Aucune louange n’est bonne que celle de Dieu. Mais, laissez-moi parler quand même comme ceux qui déraisonnent en se louant eux- mêmes. Je le fais pour votre bien. Je suis jaloux de vous donner à Dieu. Je vous ai présentés au Christ, je vous ai fiancés à lui, unis à lui comme une vierge pure. Restez sans tache. J’ai le plus vif désir que vous gardiez au Christ la plus parfaite fidélité.
« Alléluia, alléluia, ô bienheureuse Agnès, unie à l’Agneau, votre époux, vous l’avez suivi et vous avez reçu la palme. »
Évangile selon saint Matthieu, c. 13 : « En ce temps-là, Jésus dit au peuple cette parabole : Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme sème dans son champ. C’est la graine la plus petite parmi les semences, mais quand elle se développe, elle devient la plus élevée entre les légumes, comme un arbre, et sur ses branches les oiseaux viennent se reposer. Il leur dit encore une autre parabole. Le royaume de Dieu est semblable à la levure qu’une femme met dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que tout soit levé. Jésus disait toutes ces choses au peuple en paraboles et il ne leur parlait pas sans paraboles, afin que s’accomplît ce que le Prophète avait dit : Je parlerai en paraboles et je révélerai les choses cachées depuis la création du monde. »
Ce grain de sénevé nous donne le sens parfait de la vie d’Agnès.
Le grain de sénevé, dans la parabole, c’est Jésus lui-même. Jésus, Fils de Dieu, ayant pris chair, s’étant abaissé au plus bas, pauvre à Bethléem, plus que pauvre ; pauvre en
Égypte où il s’enfuit comme s’il avait peur d’un Hérode ; pauvre à Nazareth, où il vit comme un simple ouvrier, gagnant son pain par son travail ; pauvre même pendant ses trois ans de vie publique, puisqu’il n’avait pas où reposer sa tête dans une maison à lui. Il s’en va ainsi, et les miracles mêmes qu’il opère, sont imputés à la puissance du démon. Il s’entoure de gens pauvres comme lui, sans prestige, sans instruction, dont on se moque. Il vit avec les pécheurs, ceux que l’on méprise. Jésus n’est rien pendant sa vie et quand il meurt, il est moins que rien : un condamné, qui a subi tous les outrages, toutes les tortures et agonise, cloué comme une bête malfaisante sur un gibet.
C’est le grain de sénevé, le plus petit de tous les grains. On ne peut pas trouver plus petit.
Et de plus, il envoie pour propager ses idées, pour établir la religion nouvelle, des hommes ignorants et ignorés, sans prestige aucun, des Juifs, que l’on méprisait. Voilà ses prédicateurs. Et que prêchent-ils ? Ils prêchent en face de la majesté du peuple romain, de sa puissance, de ses institutions et de ses dieux, qu’il n’y a qu’un Dieu et qu’en ce Dieu unique il y a trois Personnes. Ils prêchent que le Fils de Dieu, la seconde Personne de cette Trinité, s’est fait homme comme nous, qu’il a vécu dans la pauvreté, qu’il est mort sur une croix, qu’il est ressuscité, qu’il est remonté au ciel et que par lui seul toute créature peut arriver à posséder Dieu. Et ils prêchent que, à son exemple, il faut mépriser les choses de la terre, combattre ses passions, s’aimer les uns les autres. Les fous ! c’est saint Paul qui le dit, les fous I voilà le grain de sénevé jeté dans la boue de l’Empire romain… Et ce grain de sénevé a germé, il s’est développé, il a étouffé tous les dieux romains, il est devenu le grand arbre qu’est l’Eglise catholique.
Eh bien ! la vie de sainte Agnès est, à sa manière et en proportion de sa personne, un grain de sénevé. Elle a aimé Dieu, elle l’a prié, elle l’a servi et ce qu’elle a fait ainsi à l’ombre de son monastère, sans bruit, sans éclat, a, vis-à-vis de Dieu, la même valeur que l’activité prodigieuse et l’amour extatique d’une Catherine de Sienne.
Force inouïe du grain de sénevé, vivifié par la force même de Dieu. Il faut l’être ce grain de sénevé pour faire l’œuvre de Dieu.
Offertoire : « La grâce est répandue sur vos lèvres, car Dieu vous a bénie pour l’éternité, pour les siècles des siècles. »
Secrète : « Seigneur, soyez apaisé par ces offrandes, et, de même que vous avez décoré la bienheureuse vierge Agnès de l’étendard de la Sainte Croix, faites que, par ses mérites, nous participions à l’holocauste que vous avez offert sur l’autel de la croix. »
Ce texte fait allusion à un fait de la vie de sainte Agnès. Un jour, la Sainte Vierge lui apparut portant sur ses bras l’Enfant Jésus. Une petite croix pendait au cou du divin Enfant. Agnès la détacha et la conserva comme un trésor.
Communion : « La grâce est répandue sur vos lèvres, car Dieu vous a bénies pour l’éternité. »
Postcommunion : « Seigneur, sanctifiés par l’offrande de votre Corps très saint et de votre Sang, accordez-nous que le cours de cette vie étant joyeusement terminé, nous méritions de posséder, par l’intercession de la bienheureuse Agnès, cette vierge si agréable à vos yeux, les joies éternelles. »