La Messe
Ce n’est pas une fête de la Passion, qui solennise l’humiliation du Sauveur, assis sur un escabeau, vêtu d’un lambeau de pourpre, coiffé d’une touffe d’épines, un roseau à la main, en guise de sceptre, et que des soldats romains frappent durement. Scène sauvage que le Fils de Dieu voulut subir pour l’expiation de notre orgueil.
Ainsi comprise, la fête de la Sainte Couronne aurait sa place au Temps de la Passion, tandis que dans le Temps Pascal, hors duquel elle ne doit jamais être célébrée, elle est une solennité en l’honneur de la Sainte Couronne elle-même, de la relique précieuse que saint Louis rapporta en France. Et c’est pourquoi cette fête est joyeuse. Il fallut bien cependant, pour rappeler l’origine de la Sainte Couronne, avoir recours aux textes évangéliques qui racontent le fait atroce de la Passion. Mais la joie domine.
Introït : « Réjouissons-nous dans le Seigneur, en célébrant ce jour de fête en l’honneur de la Couronne du Seigneur, dont la solennité réjouit les Anges et leur fait louer ensemble le Fils de Dieu, alléluia, alléluia, alléluia. — Toutes les nations, battez des mains, chantez des hymnes de joie à Dieu. »
On devine à ces accents d’allégresse la joie du bon roi Louis, quand les chrétiens de Palestine lui donnèrent, en reconnaissance de ses bienfaits, la précieuse Couronne. Sa
joie, il la traduisit à Paris, par la construction de la Sainte Chapelle, cette châsse merveilleuse dans laquelle il déposa son trésor. Et avec le bon roi Louis nous chantons à Dieu notre joie.
Oraison : « Accordez-nous, nous vous en prions, Dieu tout-puissant, que nous qui, en mémoire de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vénérons sur terre sa Couronne d’épines, nous méritions de recevoir de ses mains, dans le ciel, une couronne de gloire et d’honneur. »
Le Seigneur Jésus a suivi la voie d’humiliation et de souffrance pour entrer dans la gloire. Sa voie doit être la nôtre. Toutes ces épines qui lui servirent de couronne dérisoire
et cruelle, ce sont nos vanités de tous les jours, notre orgueil non seulement devant ceux qui nous entourent, mais devant Dieu lui-même.
Se croire plus que les autres et en tirer gloire, c’est vanité et sottise, mais se redresser devant Dieu, contre Dieu, est criminel. Et c’est pour nous remettre à notre place de créature que le Christ a voulu subir cette humiliation. Lui, le Roi des rois, il a voulu être un roi ridicule, un jouet misérable pour ces soldats qui le tournaient en dérision. Et il a voulu que tout le monde le vît, le contemplât en cette posture humiliante. Pilate le présente à la foule, son lambeau de pourpre sur les épaules, le roseau dans ses pauvres mains, la couronne d’épines ensanglantée sur sa tête : Voilà l’Homme, dit le Romain.
Lecture du Livre de la Sagesse, c. 3, 4 : « Le lit de Salomon est entouré de soixante braves, les plus vaillants d’Israël. Tous portent l’épée et sont très habiles à la guerre. Chacun d’eux a l’épée au côté et se tient en garde dans la crainte des surprises de la nuit.
Le roi Salomon s’est fait une litière en bois du Liban. Les colonnes sont en argent, le dossier en or, le siège couvert de pourpre. Pour se rendre aimable aux filles de Jérusalem il a enrichi l’ensemble de pierres précieuses. Filles de Sion, sortez donc et contemplez le roi Salomon avec le diadème que sa mère lui a mis sur la tête, le jour de son mariage, jour de joie pour son cœur. Que tu es belle, mon amie, que tu es belle l Tes yeux sont comme ceux de la colombe sans parler de ta beauté intérieure. Viens du Liban, mon épouse, viens du Liban, viens, tu seras couronnée. »
Salomon et Jésus ! Salomon, dans son opulente majesté, Jésus dans sa honte affreuse. Et cependant ils se rejoignent. Salomon sur ce trône magnifique représente Jésus humilié d’abord, puis couronné de gloire. Et devant l’humiliation de Jésus, humiliation d’amour, riche de gloire pour l’éternité, qu’est le décor précieux de la litière de Salomon ! Elle est vanité comme toutes les richesses de la terre, tellement vanité que personne ne saurait dire ce qu’elle est devenue. Le diadème de Bethsabée a disparu, la couronne d’épines de Jésus demeure l’objet de notre vénération. Le diadème de Salomon était un symbole humain, la couronne d’épines est un instrument de vie morale divine.
Quand le peuple voyait Salomon dans la magnificence de sa cour, il criait : Vive le Roi ! Et la vie de Salomon passa comme toutes les vies humaines ; quand Jésus apparut au balcon de Pilate, dans le ridicule attirail de son humiliation, le peuple cria : Qu’il soit crucifié ! Et la mort de Jésus est devenue la source unique du salut du monde.
La couronne d’épines fut vraiment pour Jésus le diadème de gloire posé sur sa tête, le jour où son Cœur ressentit la plus grande joie, la joie de mourir pour les hommes : In die laetitiae Cordis ejus.
Alléluia, alléluia : « Nous vénérons aujourd’hui le diadème d’épines dont les blessures confèrent la couronne de gloire. »
Évangile selon saint Jean, c. 19 : « En ce temps-là, Pilate s’empara de Jésus et le fit flageller. Et les soldats entrelaçant une couronne d’épines la lui mirent sur la tête ; et ils
le revêtirent d’un vêtement de pourpre. Et s’approchant de lui ils disaient : Salut, roi des Juifs. Et ils lui donnaient des soufflets. Pilate sortit donc de nouveau au dehors, et il leur dit : Je vous l’amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif d’accusation. Jésus sortit donc, il portait la couronne d’épines et le vêtement de pourpre. »
Ainsi la foule le contempla à son aise ; ainsi nous le contemplons, nous voyons le Fils de Dieu fait homme en cet état lamentable. Pour qui ? Pour nous, Regardons-le bien et comprenons l’amour infini de celui qui a voulu, par cette leçon effroyable, nous rappeler à la vérité de notre misère de créature. Devant lui, qui oserait se redresser ?
Offertoire : « Vous l’avez couronné de gloire et d’honneur. Vous l’avez établi au-dessus de toutes les œuvres de vos mains, Seigneur, alléluia. »
Oui, alléluia ! car Jésus l’a bien mérité. A sa suite, tâchons de le mériter également. Mais il faut le suivre, il faut lui ressembler. Que l’orgueil soit tué en nous, dans ses racines les plus profondes, alors nous aurons la plénitude de vérité devant Dieu, la plénitude de conformité à Jésus couronné d’épines.
Secrète : « Roi tout-puissant, donnez plus de vaillance à vos soldats, afin que ceux, que la couronne de votre Fils unique réjouit dans ce stade de la vie mortelle, reçoivent, la course du combat terminée, la palme de l’immortalité. »
Ceux qui courent dans le stade, dit saint Paul, ne courent pas au hasard, mais ils courent pour atteindre le but et recevoir la couronne. C’est la vie chrétienne. Soldats de Dieu, nous sommes dans le stade, nous participons à la grande course, la course qui conduit à l’éternité bienheureuse. Ne nous lassons pas, ne fléchissons pas, mais coureurs intrépides, allons vaillamment jusqu’au bout de notre foi, dussions-nous en mourir.
Communion : « Seigneur, vous avez placé sur sa tête une couronne enrichie de pierres précieuses, alléluia. »
Postcommunion : « Nous vous demandons, suppliants, Dieu tout-puissant, que ces Sacrements que nous avons reçus, soient pour nous une force, par la vertu de la très Sainte Couronne de votre Fils, dont nous célébrons la solennité. »