LA MESSE
En ce jour, l’Église interrompt un instant les joies de Noël. Elle revêt ses prêtres d’ornements violets, elle supprime le Gloria in excelsis, elle supprime les Alléluia d’allégresse. C’est que la mémoire qu’elle célèbre est une mémoire sanglante, le massacre par les ordres du roi Hérode, des enfants de Bethléem et de ses environs. Ces Innocents, comme elle les appelle, sont les prémices douloureuses de tant de martyrs qui mourront pour cet Enfant qui vient de naître dans une étable. Eux, trop petits, ils ne le connurent point, mais lui, il les marqua de son signe, il les voulut autour de lui, comme une couronne de gloire. Dès que Jésus apparaît, il est persécuté. Les Innocents prennent sa place, ils meurent à sa place. Jésus leur donnera éternellement la joie de le posséder.
Introït : « Dieu, vous avez tiré une louange parfaite de la bouche des enfants, des petits à la mamelle, pour confondre vos ennemis. Seigneur, notre Seigneur, que votre nom est admirable sur la terre entière ! »
Tout être, quel qu’il soit, doit rendre à Dieu, son créateur, la louange de tout ce qu’il est. Car tout ce qu’il est vient de Dieu. Et, chose merveilleuse ! Dieu tire sa louange de toutes ses créatures, louange nécessaire pour les créatures sans raison, louange volontaire ou non de toutes les créatures douées d’intelligence. La louange monte vers Dieu, sans cesse, de tout ce qui est, et la louange demeurera éternelle. En ce concert universel, les Innocents chantent, par leur sang, la louange de Dieu. Ils sont de ceux qui suivent I’ Agneau partout où il va.
Oraison : « Dieu, dont, en ce jour, les Innocents martyrs ont confessé la gloire non par leur parole, mais par leur mort, faites mourir en nous toutes les racines du péché, afin que la foi, que proclame notre bouche, notre vie la révèle par nos mœurs ».
Les Innocents parlent de Dieu, rendent témoignage à Dieu par leur mort. Nous, nous lui devons un autre témoignage. Nous confessons de bouche notre foi, c’est bien et c’est un devoir. Mais il faut que cette profession de foi chrétienne ne soit pas seulement sur nos lèvres, ce qui est chose facile ; elle doit informer nos mœurs, diriger notre conduite, afin qu’il y ait union parfaite entre ce que nous disons, ce que nous croyons, et ce que nous faisons. Notre vie doit avoir cette unité de croyance et d’action. La foi sans les œuvres ne sert à rien. La foi de l’esprit sans la charité du cœur est morte.
Épitre : Livre de l’Apocalypse, saint Jean, c. 14. : « En ces jours-là, je vis sur la montagne de Sion l’Agneau, qui était debout. Il y avait avec lui cent quarante-quatre mille élus qui portaient sur eux son nom et Je nom de son Père, écrit sur leurs fronts. Et j’entendis une voix qui venait du ciel, comme la voix de grandes eaux, comme la voix d’un formidable tonnerre. Et la voix que j’entendis était comme une voix de musiciens jouant de la cithare. Et ils chantaient un chant nouveau devant le trône, devant les quatre animaux, devant les vieillards. Et personne ne pouvait dire ce chant, si ce n’est ces cent quarante-quatre mille qui ont été rachetés de la terre. Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec des femmes : ils sont demeurés vierges. Eux, ils suivent l’Agneau partout où il va. Ils ont été rachetés du milieu des hommes comme les prémices pour Dieu et l’Agneau. Dans leur bouche il n’y eut jamais de mensonge. Ils sont sans tache devant le trône de Dieu ».
Graduel : « Notre âme a été délivrée, comme le passereau du filet des chasseurs. Le filet s’est déchiré et nous fûmes délivrés. Notre secours est dans le nom du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre. – Louange à Dieu ! Irrité, Hérode fit tuer beaucoup d’enfants à Bethléem de Juda, la ville de David. Louange à Dieu ».
Le dimanche, on dit : « Alléluia, Alléluia. Ceux-ci ne se sont point souillés avec des femmes : ils sont demeurés vierges, Alléluia ».
Évangile : saint Matthieu, c. 2. : « En ce temps-là, l’Ange du Seigneur apparut, pendant son sommeil, à Joseph, et lui dit : Lève-toi, prends l’Enfant et sa mère et fuis en Égypte, tu y resteras jusqu’à ce que je t’avertisse. Car bientôt Hérode va chercher l’Enfant pour le faire mourir. Il se leva, prit l’Enfant et sa mère, pendant la nuit, et se retira en Égypte. Il y demeura jusqu’à la mort d’Hérode, afin que fût accompli ce que le Seigneur avait prédit par un prophète : J’ai rappelé mon Fils de l’Égypte. Alors, voyant qu’il avait été trompé par les Mages, Hérode fut pris d’une violente colère. Il envoya des émissaires qui tuèrent tous les enfants présents à Bethléem et dans tous ses alentours, à l’âge de deux ans et au-dessous, selon le temps dont il s’était informé auprès des Mages. Alors s’accomplit ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : Une voix se fit entendre dans Rama, voix de pleurs et de gémissements universels : c’était Rachel qui pleurait ses fils et ne voulait recevoir aucune consolation, parce qu’ils n’étaient plus ».
Carnage horrible ordonné par un cruel tyran, qui tremblait devant un enfant. C’est le roi des Juifs, qui est né, avaient dit les Mages. Hérode comprit, Jérusalem comprit : il s’agissait du Messie promis à Abraham. L’étoile se levait radieuse sur Israël. Hérode tremble pour sa couronne. Ce roi futur, il faut le supprimer, comme si une chétive créature, même couronnée, pouvait s’opposer à la volonté de Dieu.
Fuis, dit l’ange à Joseph, prends !’Enfant, prends sa mère et fuis, cette nuit même, va en Égypte. Je t’aviserai quand l’heure du retour sera venue.
Les fils d’Israël étaient descendus en Égypte. Ils y étaient restés quatre cents ans. Ce n’était qu’une figure prophétique du départ de Jésus, le Messie, le Fils de Dieu, pour l’Égypte.
Il y va à son tour et comme les Hébreux, il reviendra de l’Égypte. Certes ! Dieu pouvait s’opposer d’une autre manière aux entreprises d’Hérode. Il choisit celle-ci, car tout se tient dans les relations de Dieu avec les hommes. Il sait que la fuite de Jésus sera l’occasion du massacre des Innocents. Il eût pu l’éviter et il laisse agir la cruauté d’Hérode, parce que ces petits, il les attend ailleurs, près de lui, dans la joie du ciel. Leurs mères pleurent, et lui, le Père, se réjouit pour elles, car il leur donne plus qu’elles ne perdent. C’est la conduite de Dieu, tous les jours, avec nous. Nous pleurons, nous nous lamentons sur terre, car nous sommes de terre et nous oublions le beau ciel de Dieu, celui où il attend et reçoit dans la joie, ceux dont la mort nous attriste. Hommes de peu de foi ! Pleurons, oui, sur nos morts, mais pleurons avec espérance. Près de Dieu ils sont mieux que près de nous, et nous les retrouverons un jour, sans fin.
Rachel pleure les enfants de Bethléem, car elle fut ensevelie non loin de là. Et le prophète réunit en son cœur !’Enfant de la promesse, le Messie, et les propres enfants de Jacob. C’est une même famille, puisque Jésus a daigné descendre de Jacob.
Offertoire : « Notre âme s’est échappée, comme le passereau, du filet des chasseurs. Le filet a été rompu et nous fûmes délivrés ».
Le « filet du chasseur » est tendu sans cesse sous nos pas, ce chasseur qui est le démon. Ses filets sont invisibles, et c’est pourquoi nous devons veiller sur nos pas. Il les tend, il nous entoure et nous presse de ses séductions, de ses appels trompeurs. Prenons garde aux filets du chasseur !
Secrète : « Seigneur, que la prière de vos saints ne nous quitte jamais. C’est elle qui rendra nos présents agréables à vos yeux et nous obtiendra votre indulgence, toujours ».
Communion : « Une voix se fit entendre dans Rama, voix de pleurs et de gémissements : Rachel pleure ses fils et ne veut aucune consolation, parce qu’ils ne sont plus ».
Postcommunion : « Seigneur, nous avons participé à ces dons solennels : Faites, par l’intercession des Saints, qu’ils nous obtiennent le secours pour la vie présente et pour la vie future ».
Les deux nous sont nécessaires. Car en ce monde nous dépendons de Dieu pour tout, comme nous en dépendrons dans l’éternité. Son appui incessant soutient et dirige notre vie de la terre, comme son appui incessant soutiendra notre joie dans le ciel. Tout ce que nous sommes est de Dieu, et, éternellement sera de Dieu. Sans lui, sur terre et dans le ciel rien ne peut être. Notre vie de la terre est de lui, toute entière, notre vie du ciel sera de lui, toute entière.