Vierge et Martyre
MESSE : Loquebar
Oraison : « Dieu, qui nous réjouissez par la solennité annuelle de la bienheureuse Cécile, votre Vierge et Martyre, faites que nous suivions la sainteté de la vie de celle que nous célébrons par nos louanges ».
Cécile ! Douce vision romaine, que jamais n’oublient ceux qui l’ont vénérée dans sa propre maison.
Elle était chrétienne, jeune et belle, dans ce palais du Transtévère. Sa noble famille rêvait pour elle les plus joyeuses destinées. On la donna pour épouse à un patricien, comme elle de race antique. Il s’appelait Valérien. Mais le soir des noces, Cécile tint à son jeune époux un singulier langage. Valérien, lui dit-elle, sache que je suis chrétienne, j’appartiens au Christ-Jésus et je suis sous la garde d’un ange, ange très bon, mais aussi ange terrible, qui veille jalousement sur moi. Ne me touche pas.
On entend la réplique de Valérien : Soit ! Mais, cet ange je veux le voir de mes propres yeux. Si je le vois, je te promets de me faire chrétien moi-même. Cécile répondit que pour voir cet ange, il lui fallait d’abord recevoir le baptême. C’était lui demander d’être chrétien. La vue de l’ange serait la récompense de sa foi. Valérien consentit, se fit baptiser et à son retour il vit Cécile ayant à côté d’elle son ange gardien, resplendissant de lumière. L’effroi saisit d’abord Valérien, puis la douceur de l’ange le rassura. Il y eut entre Cécile, l’ange et Valérien un de ces entretiens divins qui font pénétrer la lumière jusqu’au fond de l’âme, pour toujours.
Valérien avait un frère, Tiburce, qui lui était très cher. Il voulut le sauver lui aussi, lui donner la foi au Christ. Il l’amena à Cécile qui lui enseigna elle-même, comme à Valérien, les grands mystères de la foi. Tiburce vit aussi l’ange gardien de Cécile. Mais ces allées et venues, suspectes à plusieurs, attirèrent l’attention. On était en pleine persécution, celle d’Alexandre Sévère, au IIIe siècle. Se faire chrétien, c’était se vouer au martyre. Le bruit de l’arrestation des deux frères se répandit dans Rome. Cécile les appela près d’elle. Elle les exhorta à souffrir et à mourir courageusement : « Courage, soldats du Christ ! Rejetez les œuvres des ténèbres et revêtez-vous des armes de la lumière ».
Ils moururent tous les deux avec intrépidité.
Peu après, Cécile elle-même fut arrêtée. Le Préfet de Rome, avide d’argent, lui demanda ce qu’elle avait fait des biens considérables de Valérien et de Tiburce : « Je les ai distribués aux pauvres, répondit Cécile. » Pris de fureur, il la fit enfermer dans la salle de bains de son propre palais, pour qu’elle y mourût étouffée par les flammes. Cécile y resta un jour et une nuit sans être incommodée. Un bourreau vint l’y frapper de la hache. Trois fois il la frappa, mais la tête de Cécile ne tomba point. Il s’enfuit, en la laissant baignée dans son sang.
Cécile vécut encore trois jours. Elle en profita pour donner son palais et en faire une église. On l’ensevelit dans la catacombe de Calixte, à la Via Appia. Non loin de là, se dresse, fastueux toujours dans sa masse, le tombeau d’une de ses parentes, Cécilia Metella. Mais la vierge chrétienne est plus grande dans son supplice que l’altière patricienne.
Graduel : « Écoute, ma fille, regarde-moi, penche ton oreille : Le Roi est épris de ta beauté. Avance, rayonnante de beauté, avance joyeusement et règne ».
Alléluia, Alléluia : « Viens, ma préférée, je fais de toi mon trône. Le roi est épris de ta beauté ».
C’est la voix de l’Esprit-Saint que Cécile entendait en son âme, pendant que les accords harmonieux de la musique célébraient son union avec Valérien. Harmonie intérieure, plus exquise que l’autre. Et c’est de là que Cécile est devenue la patronne de la musique. Patronne idéale, qui convie tous les êtres créés à chanter la bonté de Dieu comme sa beauté.
Évangile : Simile erit regnum coelorum decem virginibus …
Cécile reposa aux catacombes de Calixte jusqu’au temps du Pape Pascal I, au IXe siècle. Ce Pontife ne savait où se trouvait le corps de Cécile, Dans les cimetières chrétiens, le temps avait fait son œuvre et les pillages successifs des barbares avaient amoncelé des ruines dans les galeries souterraines. Il venait de déblayer la crypte où reposaient plusieurs Papes martyrs, mais toujours rien de Cécile. Elle lui apparut et lui dit : « Tu étais si près de moi que nous aurions pu causer ensemble ». Un coup de pioche creusa la frêle muraille de terre qui fermait la chambre sépulcrale où Cécile était ensevelie. Des peintures en décoraient l’intérieur. Aucun doute n’était possible. Cécile elle-même, dont l’image ornait le tombeau, indiquait où elle reposait. On ne toucha point à son corps, qui fut transporté dans l’église élevée dans son propre palais, et renfermé en un sarcophage de marbre blanc. Cécile est seule dans ce sarcophage. Sur le devant on lit avec émotion ce simple mot : Cecilia.
Tout ce qu’il dit ce nom ! Un autre sarcophage contient les restes de Valérien, Tiburce, Urbain et Maxime. C’est la famille selon la nature et selon la grâce.
En 1599, le cardinal Sfondrate, voulant restaurer et embellir l’église de Sainte-Cécile, fit ouvrir, devant témoins, le sarcophage. Cécile réapparut aux regards, telle qu’elle était quand Pascal I la vit au IXe siècle. Étendue sur le côté, la tête légèrement tournée, le bras étendu le long du corps, toute menue, toute gracieuse dans cette attitude élégante que la mort avait respectée. Des voiles de soie la recouvraient Un artiste, Carlo Maderno, appelé en hâte, dessina la ravissante vision et après sculpta la belle statue que l’on voit sous l’autel-majeur. Elle est la copie exacte de ce qu’il avait vu.
De nos jours, le Cardinal Rampolla, titulaire de Sainte-Cécile, restaura de nouveau la basilique et la crypte. Cette crypte, par ses soins, par sa royale munificence, est une merveille, Elle est revêtue de mosaïques étincelantes d’or. Au centre, au-dessus de l’autel, repose dans la gloire de cette magnificence le sarcophage de Cécile, et un peu en arrière, celui de Valérien, Tiburce, Urbain et Maxime. Mais son nom, son nom seul gravé sur son sarcophage, Cecilia, attire tous les cœurs.
Que l’on prie bien dans cette crypte ! À gauche une porte est ouverte qui conduit dans le palais même de Cécile. Palais ruiné, dévasté, mais tout de même en y entrant, en parcourant les salles | informes, on se dit : c’est ici la maison de Cécile. |: Ici-elle a aimé le Christ Jésus ; ici elle a converti | Valérien et Tiburce ; ici elle a souffert et elle est morte. Et l’on croit la voir et l’entendre.
Cécile, douce vierge du Christ, priez pour nous.