MESSE : Gaudeamus
Oraison : « Dieu, qui, sous le patronage spécial de la très sainte Vierge Marie, avez voulu que fût fondé, pour le salut des âmes, l’Ordre des Prêcheurs, et qui l’avez comblé de vos continuels bienfaits, accordez à nos supplications, que protégés par le secours de celle dont nous vénérons aujourd’hui la mémoire, nous parvenions à la gloire céleste ».
Magnifique histoire, à l’honneur de la Mère de Dieu, que ce Patronage de ! »Ordre des Prêcheurs. On le suit pas à pas à travers les siècles.
Quand Dominique de Guzman lutte contre les Albigeois, il se met sous la protection de Notre-Dame de Prouilhe. Cette petite et humble chapelle est le centre de son apostolat. C’est de là qu’il part pour ses courses apostoliques : c’est là qu’il revient après son rude labeur, pour se reposer auprès de sa mère. Quelles confidences il dut lui faire ! Ces premières confidences de la grande idée de l’apostolat universel qu’il rêvait dans toute la terre et pour toujours. Confidences que la bienheureuse Mère recevait avec tendresse, car elles venaient d’elle-même. C’est elle qui inspirait à ce fils très aimé la grande idée de la prédication universelle.
Le Pape, à Rome, pensait à une évangélisation nécessaire ; il la voyait dans des prédications morcelées, diocésaines. Mais à Prouilhe, la Mère de Dieu voit plus grand, et inspire à Dominique, non pas cette idée de prédication restreinte, mais la magnifique idée d’un Ordre, uniquement destiné à prêcher et à défendre la foi dans toute la terre. Un Ordre ne connaissant point de limites diocésaines, de frontières nationales, indépendant de la hiérarchie ordinaire des sections administratives, mais soumis uniquement au chef suprême de l’Église, prêchant en son nom partout. Ah ! la belle idée ! que Dominique conçut aux pieds de Notre-Dame de Prouilhe.
Et cette idée, venue de Marie, se réalisa par Marie, à Prouilhe même.
D’abord, Dominique y établit ses premières filles. Elles sont là comme les gardiennes vigilantes de sa pensée, chargées d’obtenir de Notre-Dame, le secours divin nécessaire pour bénir ses efforts et faire accepter par le Chef de l’Église sa grande idée.
Quand Honorius III lui eut donné, le 22 décembre 1216, la suprême approbation, Dominique revient en hâte à Notre-Dame de Prouilhe. Il veut remercier sa Mère, sa tendre Mère, de cette joie de son âme. Il lui dit sa reconnaissance que nous redisons nous-mêmes en ce jour du 22 décembre, admirablement choisi pour célébrer le Patronage de Marie.
Dominique fait plus. Voulant affirmer l’union profonde de son œuvre avec la très sainte Vierge, pour la lier indissolublement à elle, il convoque ses premiers fils à Notre-Dame de Prouilhe et là, devant la sainte image de sa Mère, il reçoit leurs vœux, les vœux de ses filles, puis, il dirige chacun de ses fils vers les centres populeux où ils doivent publier l’Ordre. Il les envoie à Madrid, à Paris, à Bologne, à Rome. Allez, enseignez la foi à toutes les nations. C’est le geste du Christ que renouvelle saint Dominique, car il s’agit, par la prédication universelle, de renouveler le monde. C’est de Prouilhe que les premiers Prêcheurs partent. Ils sont envoyés par Marie elle-même. D’elle ils reçoivent leur mission, d’elle ils emportent la bénédiction maternelle, cette bénédiction de Marie qui féconde toutes les grandes œuvres.
De Marie encore cette prédication populaire qui se répand partout, sous le nom de Psautier de Marie ou plus gracieusement du Rosaire. Comment saint Dominique l’a-t-il institué, en quel lieu précis, nous ne pouvons pas l’affirmer, mais ce qui est certain, d’après de nombreux témoignages contemporains, c’est que la pratique du Rosaire ou salutation de la sainte Vierge distribuée en cinquante, cent ou cent cinquante Ave, était dès les temps les plus primitifs de l’Ordre une dévotion chère aux fils de Dominique, ceux du cloître et ceux autour du cloître, les amis et les imitateurs de la vie dominicaine. Qu’elle ait été inspirée par la sainte Vierge, elle-même, son succès universel, perpétuel ne peut en laisser aucun doute. Le Rosaire fut une des bénédictions les plus précieuses accordées à saint Dominique et à ses fils. Par lui, leur prédication atteint les âmes les plus humbles et leur enseigne avec une piété filiale envers Marie, les éléments essentiels de la foi chrétienne.
Le Rosaire est demeuré, dans l’Église, la dévotion la plus aimée des âmes pieuses et, en même temps, le patrimoine familial de l’Ordre. Sur la famille dominicaine tombe sans cesse cette pluie de roses effeuillées, qui attire sur lui le sourire maternel de Marie.
Un autre bienfait de la sainte Vierge est le don au bienheureux Réginald de l’habit distinctif de l’Ordre, le scapulaire.
Chanoine régulier, saint Dominique avait donné à ses fils l’habit qu’il portait lui-même : tunique blanche de laine, rochet et chape noire. La sainte Vierge intervint directement pour changer ce costume. Elle apparut, gracieuse, à Réginald, dont, pour le guérir, elle avait oint les membres d’une huile sainte, et lui dit : voici l’habit de ton Ordre. Ce nouvel habit était le scapulaire, symbole de pureté. Dominique accepta ce don maternel et s’en revêtit avec ses fils.
La sainte Vierge, encore une fois, prenait officiellement possession de !’Ordre. Elle le marquait de son signe à elle.
Elle sut également le défendre. Sous maître Jourdain de Saxe le démon s’attaqua avec fureur à cet Ordre nouveau, qui lui faisait une guerre acharnée. Il voulut le détruire en jetant sur ses membres la suspicion. Moyen plus efficace souvent que la violence ouverte. Des Frères furent possédés par l’Esprit mauvais, à Bologne surtout. On pouvait croire que ces religieux nouveaux n’étaient que des énergumènes. Leur influence menaçait d’être ruinée.
On recourut d’abord aux saints anges. Mais la sainte Vierge, mère et protectrice de l’Ordre, se réservait à elle-même de le défendre. Encore une fois, elle écrasa la tête du serpent de son pied triomphant. Inspiré par elle, Jourdain de Saxe décida que, dans !’Ordre entier, tous les soirs après le chant des Complies, les Frères feraient une procession solennelle en chantant la douce antienne Salve Regina. Le démon recula, et l’Ordre de Marie put se développer en paix.
C’est au chant du Salve Regina que le bienheureux Sadoc et ses compagnons furent massacrés par les Tartares, et, en souvenir de ce fait mémorable, que l’on chante le Salve Regina, doucement, auprès des Frères et des Sœurs qui vont rendre le dernier soupir. Ils partent pour le ciel, comme ils ont vécu sur la terre, sous la protection de leur mère, la sainte Vierge, Mère de Dieu. Au cours des siècles, l’Ordre des Prêcheurs a reçu d’autres témoignages de la maternelle protection de Marie. Ce serait comme une Litanie majeure à réciter de les redire tous.
Rappelons simplement que le Père Lacordaire inspiré de Dieu, pour restaurer l’Ordre de Saint-Dominique en France et, par son influence, répandre un nouvel esprit de vie dans toute la famille dominicaine, passa son année de noviciat auprès de Notre-Dame de la Quercia. C’est là, comme Dominique à Notre-Dame de Prouille, qu’il reçut sa mission, là qu’il se lia pour toujours et lia son œuvre à la Mère de Dieu. Du sanctuaire de la Quercia, il partit pour publier l’Ordre, emportant avec lui la bénédiction maternelle de Marie. C’était une nouvelle prise de possession de l’Ordre par la très sainte Vierge. Et aujourd’hui encore, nous vivons de ce renouveau dominicain. Prouilhe et la Quercia, deux sources de vie pour les Prêcheurs.
Fêtons donc joyeusement le Patronage de notre Mère du ciel et demandons-lui humblement de reposer sur nous un regard de tendresse. Qu’il nous suive partout, sur la route périlleuse, jusqu’à ce que, après la victoire finale, la très sainte Vierge nous accueille avec joie sous son manteau virginal.