Le pape Pie VI et ses successeurs ont dénoncé le protestantisme comme le père des erreurs modernes (« philosophie » des « Lumières », déisme, rationalisme, kantisme, etc.). Le concile Vatican I rappelle cette triste généalogie dans le préambule de la constitution dogmatique Dei Filius. Mgr Pie fit à ses prêtres un commentaire détaillé de cette constitution Dei Filius, le 17 juillet 1871 (c’est sa quatrième instruction synodale). Il insiste, lui aussi, sur la funeste logique qui mène de Luther à l’enfer moderne.
Les hérésies proscrites par le concile de Trente étaient d’accord sur deux points :
- rejeter le magistère divin de l’Église,
- et soumettre toutes les questions religieuses au jugement de chaque particulier.
Si négatif que fût ce double principe, la prétendue réforme s’y retrancha comme dans sa forteresse : elle s’intitula fièrement la religion du libre examen. Étant donné un pareil point de départ, il est arrivé ce qui devait arriver : les hérésies ne tardèrent pas à se fractionner en une infinité de sectes, parmi lesquelles éclatèrent de nouvelles dissensions et de nouveaux conflits.
Il ne se pouvait point, en effet, que la société de ceux qui s’obstinaient dans une séparation si manifestement coupable et si solennellement condamnée, ne se désagrégeât elle-même par cette force fatale des conséquences logiques qui n’est qu’une des formes des jugements de Dieu. Ce travail de décomposition et de mort, si visible déjà au temps de Bossuet écrivant son admirable Histoire des Variations, a été s’avançant toujours dans le cours du siècle suivant. On marcha, et l’on dut marcher de doute en doute, de division en division, et finalement de négation en négation à ce point que chez un trop grand nombre, la foi en Jésus-Christ reçut de mortelles atteintes.
On s’était glorifié de s’en rapporter uniquement à la sainte Bible, comme à la seule source et au seul juge de la doctrine chrétienne ; et voici qu’on en vint à ne lui plus reconnaître d’inspiration divine, et qu’on alla jusqu’à la reléguer parmi les fables et les mythes. Les pères avaient nié que Dieu fût dans l’Église ; les fils nièrent à leur tour que Dieu fût dans l’Écriture ; et du sein même de ce protestantisme sortirent, des voix qui nièrent, dès la fin du dix-septième, et surtout dans le cours du dix-huitième siècle, que Dieu fût en Jésus-Christ : en attendant qu’une race plus descendue et plus perdue, mais que les premiers révoltés n’avaient pas le droit de déclarer illégitime, eût l’audace d’affirmer que Dieu n’est nulle part.
Ici commence proprement le mal de notre époque.
Mgr Pie (1815-1880), Quatrième instruction synodale, 1871,
cité dans Le Sel de la Terre n°95, p.287.