Par le père Roger-Thomas Calmel O.P. (1914-1975)
Depuis Paul VI il n’y a plus une Église mais deux. Obéissez à l’Église, obéissez à Rome, nous crient les hiérarques et les silencieux [1].
Ils peuvent s’époumoner à se rendre malades, ils ont bien fini de nous impressionner car nous savons désormais qu’il y a deux Romes comme il y a deux Églises. Obéir à Rome, obéir à l’Église nous ne voulons que cela ; nous sommes sûrs de ne pas faire autre chose. Mais justement, Rome, la seule Rome, la Rome qui est encore dans Rome, c’est celle des deux cent soixante-deux pontifes et qui ne se contredivisent pas à la Rome d’avant Paul VI et d’avant « le » concile.
L’Église, l’unique Église est celle qui n’oppose pas une Messe moderne à celle de quinze siècles de Messes ; qui ne substitue pas hypocritement le catéchisme batave au catéchisme de Trente ; qui transmet l’Écriture Sainte intégrale au lieu de la trafiquer ; qui garde ce qui demeure encore intact de vie religieuse contemplative ou active au lieu de le déliter et de le dissoudre au nom de l’obéissance. Nous obéissons à l’Église une, celle qui domine le monde moderne et la prétendue civilisation technique. Nous n’obéissons pas à une église moderniste, une église apparente qui est irrémédiablement engagée dans l’engrenage d’un monde qu’elle a prétendu épouser. Cette pseudo-église peut bien s’acharner à réduire en esclavage l’unique Église, nous ne sommes pas dupes. Nous ne sommes pas de la Rome qui n’est plus dans Rome ; nous ne sommes pas de l’église apparente et polyvalente. Nous sommes de l’Église de toujours, de la Rome de toujours. Telle est l’âme de notre résistance.
Itinéraires 190, Réclamation au Saint-Père, p. 9-10.
Il nous faut avoir le courage de voir ce qui est : par un processus insensible une église apparente est en train de se substituer à l’Église véritable. Nous savons qu’elle ne réussira pas ; mais enfin la confusion et la corruption peuvent aller très loin et jusqu’à, séduire, s’il se pouvait, les élus eux-mêmes. C’est surtout, me semble-t-il, par l’extension de l’église apparente que se réalise la montée de l’apostasie.
(Itinéraires 106, Théologie de l’histoire, Annexe VII : Pseudo-Eglise, p. 179.)
Comment en sommes-nous descendus à ce point et avec cette rapidité ? Ce serait, me semble-t-il, une explication insuffisante de tenir compte, uniquement, des théologiens hétérodoxes ou même du savoir-faire et de l’audace des novateurs forcenés. Il a fallu, en même temps, l’action ininterrompue de ces organismes occultes qui sont experts dans l’art redoutable d’orchestrer les mots d’ordre ambigus (sinon franchement hérétiques), qui les imposent peu à peu à des laïcs ou à des ecclésiastiques, qui font peser sans en avoir l’air une pression écrasante sur les autorités officielles. – Ainsi, prenons garde de ne pas oublier les Franc-Maçonneries de toute espèce et leur fonctionnement méthodique lorsque nous cherchons une explication suffisante de cette nouveauté apocalyptique des temps actuels : une Église apparente qui s’infiltre dans la véritable Église et tente de la supplanter. Nous parlons d’infiltration. Il s’agit en effet, de nos jours, d’une pénétration peu visible à un regard superficiel, peu apparente, insidieuse, plutôt que d’une persécution ouverte. A la suite des suggestions de Roca et de Saint-Yves d’Alveydre, les Franc-Maçonneries se préoccupent moins de combattre l’Église violemment que de lui enlever en douceur, et sous anesthésie préalable, ce qui la constitue en elle-même : la vie surnaturelle et la structure hiérarchique avec la primauté pontificale.
Itinéraires 105, Sociétés secrètes et victoire de Jésus-Christ, p. 9-10.
[1] Les silencieux : allusion au mouvement des Silencieux de l’Eglise, lancé par Pierre Debray, et qui voulaient regrouper les catholiques conservateurs… dans la parfaite obéissance au Pape ! (NDLR.)